jeudi 15 octobre 2009

Expliciter le programme... (partie 2)

Hier, j'ai amorcé une illustration de la place du corps dans la prise de décision en me concentrant sur une situation que nous rencontrons tous au quotidien: contracter. Je vous ai invité à regarder le dol sous l'angle du geste et de la posture ou encore sous l'effet de l'émotion et de l'impulsion. En se tournant rapidement vers la psychologie et l'économie, j'ai souligné qu'il est traditionnellement entendu qu'un juge qui prendrait en compte le corps comme un élément susceptible de justifier l'annulation d'un contrat pour vice du consentement, serait "théoriquement" dans l'erreur.

J'en venais donc à dire que la "pratique" du juge pouvait aller à l'encontre du "modèle" et, en définitive, que le comportement d'un cocontractant pour une majorité d'auteurs en psychologie et en économie s'appréhendait indépendamment de sa corporéité. C'est intriguant...
Un modèle théorique a-t-il pu à ce point s'écarter de notre réalité quotidienne ? C'est bien possible. Mais au fond a-t-on besoin du corps pour penser le comportement d'un acteur ?

C'est une question que le juriste ou l'économiste est immédiatement amené à se poser s'il lit ces quelques lignes sans songer à autre chose... En effet, ne pense-t-on pas le comportement de la personne morale ou de la firme alors qu'elle n'a pas de corps ? En droit, une personne morale peut faire l'objet de sanctions pénales, par exemple, ou encore, le comportement du monopoleur est un grand classique à l'étude en économie. Bref, dans un cas comme dans l'autre, on parle d'une entreprise, on en étudie les pratiques, sans jamais songer à son corps...

Un comportement (économique), des pratiques (concurrentielles), des manoeuvres (dolosives), sont conçus et traités sans aucune référence au corps. Bref, pourquoi rapporter au corps quelque chose qui s'étudie sans y référer ?

A la vérité, nous y référons. J'ajouterai même que sans y référer nous ne pourrions accéder à ces problèmes, nous ne saurions les esquisser. Mais nous n'y référons pas explicitement. Le corps est là. Le corps est le fond de notre conception de l'action. Sans lui nous sommes incapables de donner sens aux choses. En d'autres termes nous donnons sens aux actions des organisations sur le marché en leur prêtant un corps, en les incarnant, en incorporant leur agir.

Qui partage cette position ? A-t-on des auteurs, des théories, des études qui vont dans le sens de mes propos. Assurément oui. De qui, de quoi s'agit-il ? J'y reviendrai...

Auparavant, je souhaite éclaicir une chose: je suis parti du dol dans un contrat pour filer mon idée. Pourtant le dol s'appréhende sous deux angles dans la formation du contrat: les manoeuvres dolosives (mensonge par manifestation) et la réticence dolosive (mensonge par omission). Comment considérer le corps avec la réticence dolosive ? Par l'implicite. Car il est inconcevable de penser l'implicite sans le corps.

Voilà beaucoup d'affirmations en un seul post. Pour nous résumer, j'ai avancé comme arguments dirimants :
- que le corps est le fond de notre conception de l'action,
- que sans lui nous sommes incapables de donner sens aux choses,
- qu'il est inconcevable de penser l'implicite sans le corps,
- et, fondamentalement, que négliger le corps dans un modèle théorique revient à condamner toute pratique comme fausse.

C'est sur la base de ces quatre points que je vous retrouverai bientôt.

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