samedi 9 octobre 2010

Embo-dead management

A la demande générale d'un ami (a.k.a "le barbu grimpeur"), je cite:

"Voici un bon cas d'école du management (comment le corps (le cadavre) de l'homme fait irruption dans des processus bien réglés)."

Il est vrai que le schéma (emprunté ici) est explicite...


mercredi 18 août 2010

Le jeu de l'embodiment

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Inférences sur la règle abstraite suivante:

"Touche" ça touche pas, et "touche pas" ça touche.

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vendredi 9 avril 2010

Incongruité

L'économie sans la musique serait une erreur...



Merci à Lina pour m'avoir fait découvrir cette vidéo !

dimanche 4 avril 2010

Incongruité

Les joies de la recherche et de la publication...



Merci à Clem pour m'avoir fait découvrir cette vidéo !

dimanche 21 mars 2010

Incongruité

Neurosciences du consommateur...























... une expression un peu trop gourmande...

mercredi 10 mars 2010

Incongruité

Par Francisco J. Varela

"Utilisant des articles scientifiques parus dans de bons journaux, contenant par conséquent des faits acceptés par la communauté scientifique, on a changé les noms des auteurs et du lieu où les textes avaient été rédigés. Au lieu de dire que ces recherches avaient été effectuées à Stanford ou à Harvard, pour ne citer que deux des endroits, on a déclaré qu'elles avaient été faites au Chili ou au Tibet - des lieux peu fiables, aux yeux de certains, pour le sérieux scientifique. Il en est résulté que, sur une centaine d'articles envoyés, 80 pour cent ont été refusés par le comité de rédaction, accompagnés de commentaires dénigrant la scientificité, la méthode et l'interprétation ! Et pourtant, il s'agissait des mêmes communications qui avaient été précédemment publiées par les mêmes journaux."

dimanche 21 février 2010

Incongruité

Par Jean-Paul Sartre

« Monsieur le Secrétaire,

D'après certaines informations dont j'ai eu connaissance aujourd'hui, j'aurais, cette année, quelques chances d'obtenir le Prix Nobel. Bien qu'il soit présomptueux de décider d'un vote avant qu'il ait eu lieu, je prends à l'instant la liberté de vous écrire pour dissiper ou éviter un malentendu. Je vous assure d'abord, Monsieur le Secrétaire, de ma profonde estime pour l'Académie Suédoise et pour le prix dont elle a honoré tant d'écrivains. Toutefois, pour des raisons qui me sont personnelles et pour d'autres, plus objectives, je désire ne pas figurer sur la liste des lauréats possibles et je ne peux ni ne veux – ni en 1964, ni plus tard – accepter cette distinction honorifique.

Je vous prie, Monsieur le Secrétaire, d'accepter mes excuses et de croire à ma très haute considération. »


Par Alexandre Grothendieck

« Je suis sensible à l'honneur que me fait l'Académie royale des sciences de Suède en décidant d'attribuer le prix Crafoord pour cette année, assorti d'une somme importante, en commun à Pierre Deligne (qui fut mon élève) et à moi-même. Cependant, je suis au regret de vous informer que je ne souhaite pas recevoir ce prix (ni d'ailleurs aucun autre), et ceci pour les raisons suivantes.

1. Mon salaire de professeur, et même ma retraite à partir du mois d'octobre prochain, est beaucoup plus que suffisant pour mes besoins matériels et pour ceux dont j'ai la charge ; donc je n'ai aucun besoin d'argent. Pour ce qui est de la distinction accordée à certains de mes travaux de fondements, je suis persuadé que la seule épreuve décisive pour la fécondité d'idées ou d'une vision nouvelle est celle du temps. La fécondité se reconnaît à la progéniture, et non par les honneurs.

2. Je constate par ailleurs que les chercheurs de haut niveau auxquels s'adresse un prix prestigieux comme le prix Crafoord sont tous d'un statut social tel qu'ils ont déjà en abondance et le bien-être matériel et le prestige scientifique, ainsi que tous les pouvoirs et prérogatives qui vont avec. Mais n'est-il pas clair que la surabondance des uns ne peut se faire qu'aux dépens du nécessaire des autres ?

3. Les travaux qui me valent la bienveillante attention de l'Académie royale datent d'il y a vingt-cinq ans, d'une époque où je faisais partie du milieu scientifique et où je partageais pour l'essentiel son esprit et ses valeurs. J'ai quitté ce milieu en 1970 et, sans renoncer pour autant à ma passion pour la recherche scientifique, je me suis éloigné intérieurement de plus en plus du milieu des scientifiques. »


dimanche 14 février 2010

Evaluation piège à ... ?

Je commencerai sur la question de l’évaluation par cette citation d’Antoine de Saint-Exupéry extraite du « Petit Prince », croisée au détour d’un article sur les études qualitatives en comportement du consommateur (Vernette, 2004). La voici :

« Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel. Elles ne vous disent jamais : « Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu'il préfère ? Est-ce qu'il collectionne les papillons ? » Elles vous demandent: « Quel âge a-t-il ? Combien a-t-il de frères ? Combien pèse-t-il ? Combien gagne son père ? » Alors seulement, elles croient le connaître. Si vous dites aux grandes personnes : « J'ai vu une belle maison en briques roses, avec des géraniums aux fenêtres et des colombes sur le toit », elles ne parviennent pas à s'imaginer cette maison. II faut leur dire : « J'ai vu une maison de cent mille francs. » Alors elles s'écrient: « Comme c'est joli ! » »

L’évaluation, dans sa vacuité, dans son inanité et dans sa probité, est toute entière résumée par l’assertion précédente. Dans sa vacuité : les chiffres comme instruments – car là je ne vise pas le nombre comme raisonnement (celui d’Hofstadter notamment) sur la mathématique – vident le monde de sa richesse : point de couleur, aucune odeur, rien d’audible. Le chiffre est un objet que l’on manipule : un « Aboli bibelot d’inanité sonore » dirait Mallarmé. La logique du chiffre comme instrument met au jour son inanité : le chiffre n’a pas d’épaisseur, à moins qu’il ne soit question de son épaisseur idéologique. Et le voilà probant.

La probité du chiffre est la force de l’évaluateur : « Si vous discutez mes chiffres, vous acceptez leur logique ». Le discours se révèle technique, réservé aux spécialistes, il dépossède le profane : « C’est une question complexe ». Le chiffre est une requalification objectiviste et réductionniste des faits. Il ne s’embarrasse pas du réel. Il s’abstrait de toute corporéité : le chiffre est un outil pour l’évaluateur. Mieux, le chiffre est un instrument tout entier construit pour une théorie qui, à défaut de valider le réel, proposera de le transformer : le falsificationniste se livre en amateur du constructivisme politique. Le chiffre consacre une théorie pour laquelle il a été créé afin de la valider.

La solution vient d’elle-même. Pour valider à coup sûr une théorie rien de plus simple que d’égarer la subjectivité en en proposant la résolution : par un questionnaire, en prédéfinissant le sens des réponses; par une expérimentation, en appauvrissant le vécu; (pire) par un modèle, en prescrivant le réel; l’évaluateur arrive toujours à ses fins.

La force du chiffre, sa probité, est dans son ambition : ne pas céder à la description, réduire le réel pour le prédire. En somme, « prédire : c’est dire avant les autres pour qu’ils ne parlent pas ». Les êtres parlants ont été supplantés par les êtres (bien) pensants. L’évaluateur se mue en modélisateur : il agit sur le réel sur la foi d’un outil voué à lui donner raison.

Je propose d’explorer successivement trois pistes en les articulant sur la citation de Nietzsche dans son Zarathoustra : « Libre de quoi ? Demande-toi plutôt libre pour quoi ? ». J’appliquerai la même formule à l’évaluation: « Evaluer quoi ? Demande-toi plutôt évaluer pour quoi ? ».

J’irai du « quoi » au « pourquoi » en passant par le « comment ».

Le « quoi » dans l'évaluation c’est toute activité humaine comme objet dépossédé de son sens, de sa signification. La perte de la signification des sujets est la condition sine qua non pour assurer une cohérence dans le modèle. Pour l’évaluateur, il est temps d’appliquer cette logique aux relations familiales, aux organisations, au droit, aux nations, etc. Par l’entremise des agences de notations (au rang desquelles les plus célèbres sont le FMI, la Banque Mondiale, l’OMC et d’autres excroissances bureaucratiques inféodées aux modèles réductionnistes), la concurrence est partout organisée. Elle pénètre partout selon la même logique. Le calculateur égoïste est polymorphe : tantôt le voilà sous l’apparence d’un pays ou d’une économie toute entière, tantôt le voici sous les traits d’une entreprise ou d’une mère de famille qui met à/au jour du « capital humain ».

Dans le concept de « capital humain », il n’y a rien d’« humain » : un enfant est un bien durable, quand on ne verse pas carrément dans l’inhumain (dois-je rappeler les propositions de Lawrence Summers alors qu’il était économiste en chef à la Banque Mondiale ?). On ne s’émeut pas pour des machines à laver. Il y a un moyen de se défaire de l’émotion : place nette aux machines à calculer. Marx n’était pas si loin : « Calculez, calculez, c’est la loi et les prophètes ! »

Suite au « quoi », apparaît à l’évidence le « comment ». La recherche de quantification ; ou plutôt, la recherche d’évaluation comme travers d’une quantification largement inspirée par une vision déformée (et fantasmée) de la science physique. La science physique est le modèle du modélisateur. C’est LA Science. Celle qu’il faut singer pour trahir les regards interrogateurs qui naissent à l’examen des arguments contre-intuitifs. Le modélisateur observe : « Si je fais « comme » eux, je serai de ceux-là. » D’où le physicalisme pour rompre avec le Sujet. Car l’effet d’une telle appétence pour le chiffre a été d’obérer la place du sens et de ses sens, évinçant le rapport du Sujet à l’Objet : ses moyens d’action sont annihilés.

L’économie et le droit de la politique monétaire en Europe manifestent cette tendance à la réification. L’instrumentalisme friedmanien a dessiné les contours monétaristes de la (non) politique économique en Europe. La Liberté dans la Communauté économique européenne est liberté de circuler ou de faire circuler. Circuler pour quoi ? Circuler pour corriger les effets d’un choc économique externe. Circuler pour ajuster le réel aux conditions satisfaisant la réalisation d’un équilibre sur le marché des changes ou sur celui de la monnaie. Circuler pour faire jouer la concurrence tandis que le monopole de la politique monétaire est confié, au nom du bon fonctionnement du marché qui réalisera avec justesse des anticipations (dites) rationnelles, à d’adipeux bureaucrates dépourvus de toute légitimité démocratique. Satisfaire aux conditions de l’équilibre établies par le modèle, peu important le sens, le comment suffira à occuper les actifs.

Mais le pire n’est peut-être pas encore là. L’ironie vient sans ambages : ceux-là même qui ont prôné la suppression des professions réglementées dans le marché communautaire au nom de la « Liberté de circulation » des personnes, plaident actuellement pour constituer l’activité d’économiste comme telle. Se croyant immuns de toute critique, parés dans leur infatuation statistique et leur discours ampoulé, certains troqueraient volontiers quelques fonctions de leur machine à calculer pour une plaque en cuivre.

Notre capital humain ambulant a la mémoire courte. Il se gargarise d’équations, jamais repu, en panne d’idées mais tout empli de variables et de paramètres avec lesquels on se distrait en regardant le monde par la lorgnette d’un agent représentatif. Avec l’agent représentatif et le capital humain, les hommes sont commensurables et substituables. Tous les individus comptent pour un. En bref, tant que son corps est effacé par le modèle, l’être humain est un bien fongible que l’on peut saucissonner a vau-l’eau sur le plot de la boucherie individualiste des sciences sociales.

La question du modèle va bien au-delà de l’évaluation. Le modèle est enjeu de légitimité. Sa légitimité pallie, en Europe, une légitimité démocratique abâtardie. Le modèle a un projet de Société : c’est une licence pour neutraliser la monnaie, pour neutraliser l’action de l’Etat et pour neutraliser la volonté populaire (ou, à tout le moins, la volonté politique).

La genèse de l’évaluation est dans le modèle et la Recherche cède également à l'évaluation réifiante. Invité à penser : « Peu importe que les autres m’aient lu, attendu qu’ils me citent » car on peut compter les citations comme on compte les moutons ; invité à songer : « Peu importe que ce ne soient pas mes idées, attendu que cette méthode de recherche me donne accès à une revue » car on peut classer, hiérarchiser les revues ; le chercheur est invité à en conclure : « Peu importe que seul je n’écrive rien qui fasse sens, attendu que j’ai cosigné dans une revue bien classée ». Le chercheur s’en remet, en somme, au nombre, lequel permet tôt ou tard de (faire) passer le papier. L’« acte épistémique » par coercition sur le discours et ipso facto sur la pratique du corps scientifique a la main lourde.

A l’instar des monnaies européennes à une époque, la Recherche connaît une forte inflation. A l’instar des monnaies européennes à une époque, il faut alors établir des Règles. Il faut organiser, faire le tri, valider ; bref, évaluer. Dans « évaluation », dans « validation », il y a « valeur ». Evaluer pour dire ce qui est de la Recherche scientifique et ce qui n’en est pas, pour dire ce qui mérite une attention et des fonds et ce qui n’en mérite pas. La Recherche est une question de méthode. Evaluer le « comment » de la Recherche, telle est la solution. La Recherche sera livrée « clé en mains » tel un résumé à l’attention de celui dont l’esprit n’a jamais effleuré que la couverture d’un livre : « Epistémologie, outils, auteurs, revue et lecteurs ne sont pas vendus séparément. » Il faut publier vite. Il faut faire du chiffre et multiplier les lignes sur le CV.

Pour faire du chiffre, quoi de mieux que le modèle ? Pas le temps d’aller sur le terrain, trop long de chercher un sens au fondement de l’agir des individus. Pas besoin de questionner le réel, le plus efficace c’est encore de dire au réel comment se comporter : rien de nouveau, « Si les faits ne s’accordent pas avec la théorie, alors tant pis pour les faits » (Hegel cité par Marcuse, cités par Watzlawick). Nous voilà aux portes du « pour-quoi » de l’évaluation.

L'évaluation n'a de sens que dans le cadre d'un modèle a priori, par rapport à un point de repère, à un idéal. Au fond, « pour-quoi » évaluer ? Pour manipuler, pour agir sur le monde : avec des chiffres, l’évaluateur réalise son « désir de causalité » (la formule est de Eric Berne). L’anthropomorphisme du langage n’est rien moins que l’expression patentée de ce désir de causalité intégré par chacun depuis qu’enfant il interagit avec le monde qui l’entoure. En un certain sens, lorsque les descripteurs sont révélateurs du registre anthropomorphique, les choses se manipulent.

L’analyse des métaphores et l’attention à la mise en récit sont une opportunité pour sortir de la réduction positiviste en se fondant sur une épistémologie de l’incorporation. L’« idéologie de la modélisation », avec l’économie et son avatar – lorsqu’elle est austère et réactionnaire – la gestion est décryptée en regardant du côté des métaphores : on comprend mieux qu’un modèle n’est que métaphore (McCloskey). Et dans le cas du modèle économique et gestionnaire, une métaphore fondamentalement ontologique.

Faut-il rejeter les questionnaires et les expérimentations ? Pas vraiment. Faut-il rejeter le modèle ? Pas davantage. Les questionnaires et les expérimentations sont un des moyens d’accéder au réel. Le modèle est un des moyens d’apporter une rigueur dans l’articulation des arguments. Ce qu’il est question de rejeter, c’est de constituer ces moyens en des fins. Plus fondamentalement, mon opposition est à l’encontre d’un type de modèle : celui qui dicte sa conduite au réel au motif qu’il est légitimé par un chiffre (généralement né d’une accumulation d’hypothèses sans fondements).

Abandonnons le chiffre, embrassons le corps.

L’enaction est en cela un modèle à suivre. La neuro-phénoménologie de Francisco Varela et plus largement la tradition phénoménologique issue de la lecture contemporaine de Merleau-Ponty resitue le sujet dans son incarnation. Avec le corps, l’expérience et le vécu prennent place. Le refus d’un monde pré-donné à l’activité perceptive du sujet oblige à considérer qu’il ne se « re-présente » plus un monde qui préexiste à son agir. Le sujet et l’environnement sont co-déterminés l’un par l’autre. Il n’est plus question de dire au sujet ce qui lui sera donné de voir dans le monde. Son aperception est accessible au chercheur lorsque le sujet s’introspecte sur son expérience vécue (Petitmengin et Bitbol, 2009). Le comportement n’est plus une computation. Le comportement est un texte qui se prête à l’interprétation de ses actes.

L’être parlant retrouve ses droits. Le sens n’est plus surabondant. Le but n’est plus de prédire mais de décrire au plus juste le monde et son expérience subjective. Le corps fait barrage au modèle lorsqu’il fait fi du réel. L’approche est en première personne. En somme, l’observateur n’est plus un tiers omnipotent et omniscient. Il est à l’écoute du sujet, et le sujet à l’écoute de son incorporation. Le charnel enveloppe un monde qui s’offre à l’introspection. A partir de là, il n'y a plus de négligence du sens des coïncidences pour le Sujet. Chaque chose peut donner lieu par l’entremise des métaphores à une analyse significative de notre incorporation. Le parler est le signifiant de notre incarnation.

« Valider » une théorie par des chiffres, c’est lui conférer une certaine valeur. Plus ils sont spectaculaires avec la force de l’éloquence, plus ils renforcent l’imaginaire dans l’audience. En définitive, la manipulation est un intarissable désir humain. Là est l’enjeu de l'évaluation et du modèle, « Se rendre comme maître et possesseur de la Nature » (Descartes). Il est question de comparaison.

(Texte aménagé d’une communication donnée au GRP d’Aix-Marseille, le 13 février 2010)

vendredi 1 janvier 2010

Incongruité

"Il est de toute première instance que nous façonnions nos idées comme s'il s'agissait d'objets manufacturés."
L. Ferré